Yom Hashoah,
célébré cette année les 27 et 28 avril,
est une occasion de nous pencher sur l’importance
de la transmission et sur le devoir de mémoire.
Il semble que dans certaines de nos écoles, « les professeurs peinent à
enseigner la Shoah » (Le Figaro, 27 janvier 2014). De nombreux élèves
seraient « fatigués d’en entendre parler », et leurs professeurs
hésiteraient de plus en plus à aborder le sujet en classe. «Cette
situation n’est pas tolérable» estimait Vincent Peillon, ancien ministre
de l’éducation nationale (Le point, 27 janvier 2014).
Est-il nécessaire de rappeler à quel point la connaissance de la Shoah
participe à la construction mentale et intellectuelle de nos enfants ?
Qu’elle est pour tous un héritage moral et culturel qui fonde une
identité et des valeurs communes ?
Pour Philippe Bernard (journaliste) « il faut repenser l’enseignement de la Shoah » (Le Monde, 26 janvier 2005). « Peut-on encore enseigner la Shoah ? » se demande Benoît Falaize (professeur d’histoire) dans Le Monde diplomatique (mai 2004). Des constats qui sonnent comme une provocation. Ou un rappel à l’ordre.
Il faudrait, dit-on, user de nouvelles pratiques pédagogiques
adaptées à nos élèves et à « leurs attentes ». Ménager, par exemple,
leur fragilité et leur susceptibilité, être attentif à ne pas heurter
leurs convictions, éviter tout malentendu et incompréhension. Nous
serions donc tombés dans le piège du repli communautaire.
A défaut de réformer l’objet de l’étude, on choisit de réformer la façon d’en parler. Des indispensables remises au point et un renouvellement des réflexions permettraient de « globaliser les problématiques et de mettre en perspective », ce qui signifie, dans le langage abscons des sciences de l’éducation, « renoncer à la spécificité juive de la Shoah », autant dire noyer le poisson dans l’eau.
Pour Dominique Borne, ancien inspecteur de l’Education nationale,
c’est le mot Shoah qui dérange (Les cahiers de la Shoah n°1 1994,
Tribune Juive 17 décembre 2013). Les cours doivent éviter le « transfert
de culpabilité » qui, à terme, provoque le rejet et l’oubli car une «
approche manichéenne » contribuerait à diaboliser les bourreaux et à
sanctifier les victimes (sic). Le mieux, insiste monsieur l’inspecteur,
serait d’inclure l’apprentissage de l’Holocauste dans une compréhension
générique des génocides, comme celui des Arméniens ou des Tziganes.
Parlons sérieusement.
L’extermination des Juifs doit permettre d’aborder la question de
l’antisémitisme. S’interdire ce nécessaire glissement sémantique est une
faute qui ignore le débat au lieu de l’instaurer, évite d’expliquer
pour s’abstenir de comprendre.
La singularité du sujet dérange davantage ceux qui l’enseignent que ceux qui sont enseignés (Le monde, 27 novembre 2010). Comment revenir aux fondamentaux du cours d’histoire ? Une meilleure formation des enseignants probablement, mais aussi un certain courage qui nous permettrait de regarder la réalité en face.
Il existe bien un antisémitisme en milieu scolaire (rapport du SPCJ,
2012). Georges Bensoussan, directeur de la revue d’Histoire du mémorial
de la Shoah, parle à ce propos d’une « réalité enkystée » dont la cause
est le refus pathologique de mesurer l’importance de la nouvelle
violence antijuive et d’en identifier les origines. Nous restons dans
l’appréciation a minima de cette réalité.
Enseigner la Shoah permet de renouer le lien social rompu, quelles
que soient les différences et les générations. Parler des souffrances
d’hier, c’est parler des souffrances d’aujourd’hui.
Le film « shoah » de Claude Lanzman (1985) est, à ce propos, un choc bienfaiteur.
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