« Nous ne voulons pas diviser l’Ukraine ; nous n’avons pas besoin de cela.
Quant à la Crimée, elle était et demeure une terre russe » V.Poutine
(Applaudissements)
Dans un discours solennel et d’anthologie, prononcé au Kremlin le dimanche 23 mars 2014, Vladimir Poutine s’est adressé aux représentants de l’Etat russe, députés, membres du Conseil de la Fédération, délégués des régions et de la société civile. Les mots forts et le ton ferme se voulaient à la mesure de l’enjeu qui en était l’objet, c’est-à-dire l’intégration de la Crimée à la Fédération de Russie.
Sans doute, cet événement unanimement désapprouvé n’a pas été sans rappeler un autre coup de force perpétré en son temps.
En février 1948, la Tchécoslovaquie tentait de se rapprocher de l’Europe occidentale. Sous prétexte de respecter ‘’l’autodétermination’’, Staline organisa des élections truquées pour l’en empêcher. C’était ‘’le coup de Prague’’. Dans toute l’Europe de l’Est, l’autorité de Moscou s’imposait par la menace, la manipulation et la propagande.
Le ‘’coup de Crimée’’, perpétré par Vladimir Poutine ces dernières
semaines, est proche de cette méthode d’intimidation. Il s’agit d’un
judicieux cocktail de manœuvres que l’on peut résumer à quelques
formules.
Menacer et agir vite,protéger et soumettre, frapper et consoler.
Les Juifs d’Ukraine se sont retrouvés malgré eux protagonistes de ce coup d’Etat à la soviétique.
- Menacer et agir vite.
En Crimée, des manifestations réclament une intervention russe.
Dans les jours qui suivent, une armada de 80 000 soldats, 270 blindés, 140 avions de combat, est déployée dans une péninsule littéralement coupée du reste de l’Ukraine par un contrôle des ports, aéroports, routes principales et des médias (journal russe izvestia). « L’aéroport de Belbek-Sébastopol est occupé par des forces d’invasion, armées de kalachnikov » déclare le ministre ukrainien de l’intérieur, Arsen Avakov.
Jeudi 27 février, un groupe d’hommes armés et en treillis militaire occupent le parlement régional à Simferopol, la capitale. Un drapeau russe est hissé sur le toit du bâtiment. Le 11 mars, 78 députés sur les 81 du parlement de Crimée proclament leur indépendance et annoncent pour le 16 mars un référendum sur leur rattachement à la Russie. Cette décision est « absolument légale, conforme aux droits à l’autodétermination » ont-ils précisé, alors même qu’Angela Merkel, parlant d’annexion, affirme que la « Russie a dérobé la Crimée à l’Ukraine » (Le monde, 11 mars 2014). Le président ukrainien par interim, Olexandre Tourtchinov qualifie de « farce » cette décision unilatérale voulue par le Kremlin.
Blindé russe en Crimée (Reuters) |
Vraisemblablement, cette invasion n’est pas improvisée mais soigneusement préparée entre Moscou et les dirigeants régionaux sécessionnistes (sources Agoravox). Cette région de 2 millions d’habitants et de 27 000 km2 dispose d’un statut spécial politiquement incertain. République autonome au sein de l’Ukraine, la Crimée possède sa propre constitution depuis 1998. Elle a toujours manifesté des velléités d’indépendance et de rapprochement avec Moscou. Le référendum du 16 mars est l’occasion de le prouver.
Les résultats laissent dubitatif. Alors qu’il y a en Crimée 58,3% de Russes mais tout de même 24.3 % d’Ukrainiens et 12.1% de Tatars, soit au mieux 76.5% de russophones susceptibles de soutenir ce rattachement, il y aurait 96% de oui !
Dans son discours au Kremlin du 23 mars, Poutine, insistant sur la légitimité du suffrage universel, a rappelé que ce référendum est « équitable et transparent (…) Le peuple de Crimée a exprimé sa volonté de manière claire et convaincante ».
Dessin de Chappatte et Aurel (Cartoons Yahoo). |