Antisémitisme: rapports et conclusions (provisoires)

Valérie Braham, la veuve de Philippe, l’une des victimes de Coulibaly à l’Hyper Cacher de Vincennes, se confiait le 25 janvier dernier sur BFMTV en ces termes : « Les gens vont continuer leur vie. Tout va redevenir comme avant pour tout le monde… Mais pas pour moi et pour les autres victimes. Moi, ma vie aujourd’hui, elle est brisée. »

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« Comment vivre, survivre, se reconstruire ? » confessent de leur côté Yaël et Eric Cohen, les parents de Yohan, assassiné lui aussi à l’Hyper Cacher (5 février, Le Parisien). « Notre vie est brisée, raconte le papa très digne, je porte ses tee-shirts, ses vestes, sa montre. J’ai besoin de le sentir, c’est ma thérapie. Je suis pacifiste, j’ai horreur de l’injustice. Chaque matin, je me dis : Comment peut-on enlever la vie à un jeune de 20 ans avec autant de facilité ? Cette question me hante. (…) Malheureusement, poursuit Yaël la maman, l’antisémitisme est bien présent en France. Dans mon entourage, beaucoup ont peur et me racontent des scènes d’insultes ou d’agressions. »


Un cas français

Le 9ème rapport sur l’antisémitisme (SPCJ et ministère de l’intérieur), comptabilise, en 2014, 851 actes antijuifs en France contre 423 en 2013, soit une augmentation de 101%. Plus inquiétant encore : outre les dégradations et les actes de vandalisme, ce sont les violences contre les personnes qui ont le plus augmenté (108 contre 49 en 2013), tout comme les propos et les gestes injurieux (261 contre 152 en 2013). Les villes les plus touchées par les actes antisémites sont, dans l’ordre, Paris, Marseille, Lyon, Toulouse, Sarcelles, Strasbourg, Nice, Villeurbanne et Créteil.
Les actes racistes enregistrés sur le territoire national sont, pour moitié, des actes antisémites alors même que les juifs ne représentent que 1% à peine de la population totale du pays. Cette ultra-violence antijuive s’est ouvertement exprimée et banalisée avec l’affaire Dieudonné, la manifestation Jour de colère (janvier), l’attentat meurtrier à Bruxelles commis par le Français Mehdi Nemmouche (mai), les émeutes en marge des manifestations pro-palestiniennes (juillet-août), la séquestration et le viol à Créteil (décembre).
Un fanatisme sans mesure a exhibé des préjugés tenaces et des stéréotypes sectaires, relayés sur les réseaux sociaux par la propagande terroriste. « Une mécanique de la haine » s’est installée (Eric de Rothschild, président du SPCJ).



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En octobre 2004, l’enquête remise au Ministère de l’Intérieur intitulée « Chantier sur la lutte contre le racisme et l’antisémitisme » (rapport Ruffin) soulignait déjà le danger d’un nouvel antisémitisme provenant de «jeunes issus de l’immigration, en particulier maghrébine. » On y reconnait en termes clairs une menace pour la République et ses valeurs.
La réflexion, nous dit ce rapport, doit donc porter sur les méthodes et les dispositifs pour combattre ces dérives de « racisme organisé. »  On y constate une formation policière insuffisante, des réponses judiciaires inappropriées, un cadre scolaire peu adapté. Des solutions sont proposées : suggérer des médiations entre pouvoirs publics et société civile ; tracer les nécessaires « contours de la subtile géographie de ces milieux. » ; dresser le portrait-type des auteurs de ces actes ; distinguer entre doctrinaires et activistes, groupuscules et actes isolés ; combattre les « tags planétaires » que constituent les réseaux Internet. Tout est dit. Et pourtant…
Une fois publié, le rapport est très critiqué par le MRAP et la Ligue des droits de l’Homme (LDH) qui parlent de « dérapage » (Libération, 22 octobre 2004) et accusent l’auteur, Jean-Christophe Ruffin, d’être un « pompier pyromane. » La vision d’un antisémitisme distinct des autres formes de racisme dérange les cerbères de l’égalitarisme. Considéré comme « une erreur » et un « délit d’opinion » (Le Monde diplomatique, 21 octobre 2004), le précieux document est rapidement rangé dans un tiroir et oublié.
Dix ans plus tard, force est de constater les proportions dramatiques du phénomène qui, en France plus que nulle part ailleurs en Europe, est devenu une « obsession anti-yéhoud » qui injurie, menace et … tue.

20% des violences antijuives en Europe se sont produits en France (Libération, 23 octobre 2014).

Si en Belgique et en Autriche on note pareillement une recrudescence des attaques antisémites qui ont presque doublé, comme l’indique par exemple un institut de veille basé à Vienne (source JTA, 30 janvier 2015), il s’agit principalement de vandalisme, d’insultes, et de discours judéophobes dans les médias sociaux. Les actions violentes contre les personnes sont nettement moins nombreuses.
Les conclusions d’un colloque sur l’antisémitisme organisé en octobre 2014 par la fondation Jean-Jaurès, l’AJC Paris (American Jewish Committee) et la Fondapol, regrette une « triste exception française » qu’il s’agit de comprendre sans « idéologie, parano, ni grands discours trop rassurants ou trop inquiétants » (Annette Lévy-Villard, Libération).




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