En
janvier dernier, des milliers de personnes ont manifesté violemment
dans de nombreux pays musulmans contre la liberté d’expression,
c’est-à-dire contre la liberté tout court. Au Niger, 45 églises ont été
incendiées, des commerces, des hôtels, une école et un orphelinat ont
été saccagés : 10 morts, 173 victimes. En Guinée, en Iran, au Pakistan,
en Afghanistan, en Tchétchénie (1 million de manifestants), on a crié
« Mort à la France. »
« Français,
dégagez ou nous vous égorgerons » a-t-on entendu à Gaza devant le
centre culturel français (Le Point, 19 janvier 2015). A Amman, on a vu
des banderoles sur lesquelles étaient écrites : «l’atteinte au grand
prophète relève du terrorisme mondial », les caricatures de Mahomet sont
« une atteinte à tous les musulmans du monde ». Même pacifiquement, à
Dakar, les autorités religieuses et associatives ont parlé de
« provocation » (Le Figaro, 24 janvier 2015).
Ces
rébellions « populaires et spontanées » ressemblaient parfois à des
mises en scène bien orchestrées, à des fins d’intimidation et de
propagande. Les condamnations unanimes et sans nuance ont visé la
France, et à travers elle, l’Europe, et à travers l’Europe, l’Occident.
Des
journalistes et intellectuels arabophones et francophones, d’Alger, de
Tunis ou de Beyrouth, considèrent que le syndrome Charlie révèle, avec
une brutalité extrême, une fracture du monde qui est aujourd’hui à son
paroxysme.
Un curieux combat, inégal et anachronique, semble devoir se livrer entre une morale religieuse et une morale laïque.
L’éditorialiste
libanais Hussein Ibish regrette que « Charlie Hebdo se heurte à la
piété et à la morale » sans analyse distanciée et critique (Atlantico,
20 Janvier 2015). L’écrivain Yasmina Khadra en appelle quant à lui « au
respect mutuel » qui serait une façon de se tendre la main au lieu de se
tourner le dos. La liberté d’expression, dit-il, n’est pas plus sacrée
que la religion elle-même. Il y a moyen d’éviter le jusqu’au-boutisme.
Manifestation à Alger contre les caricatures de Charlie hebdo, vendredi 16 janvier 2015 |
Des érudits musulmans lucides mais peu entendus
Cent-vingt
savants sunnites ont condamné, dans une lettre ouverte de vingt-deux
pages, les abominations commises au nom de l’islam et fustigé les
interprétations simplistes, erronées ou partiales, de certains versets.
« Le Coran, ce n’est pas cela » écrivent-ils (La Croix, 26 septembre 2014). « C’est un grand mal et une atteinte aux musulmans et au monde entier », affirment les auteurs.
Le 11 janvier 2015, vingt-trois intellectuels musulmans, soutenus par le Gatestone Institute, ont signé aux Etats-Unis un vibrant appel à réformer l’islam (New York Times).
Que peuvent faire les musulmans, se demandent-ils, « pour se
réapproprier leur belle religion alors que des crimes épouvantables sont
commis au nom d’Allah. (…) Nous devons, expliquent-ils, nous engager
dans la promotion de réformes [pour] une réinterprétation honnête et
critique des écritures et de la charia, utilisées par les islamistes
pour justifier la violence et l’oppression.»Une ‘’révolution’’ dans l’islam semble indispensable.
« L’islam
est-il à réformer ? » s’interroge le journal Le Monde (19 janvier 2015)
à l’appui de nombreux intellectuels, musulmans et non-musulmans,
chercheurs, écrivains, philosophes, sociologues, anthropologues. Comment l’islam pourrait-il développer un contre-modèle qui, « tout en restant fidèle à l’esprit de la foi », apporte une « réponse convaincante » et sans équivoque à la violence islamiste ?
Pour Malek Chebel, essayiste algérien, « Dieu n’a nul besoin de martyr (…) Le prophète, lui, avait de l’humour. » Pour Zafer Şenocak, écrivain turc qui propose de confronter le Coran au monde contemporain, un « islam du pamphlet s’est imposé. (…) Aux élites musulmanes de créer une alternative libérale crédible » (Le Monde, 19 janvier 2015).
Pour Ghaleb Bencheikh, physicien franco-algérien, « ce n’est plus possible de pérorer que l’islam c’est la paix. »
Beaucoup
de musulmans, confesse l’écrivain francophone Kamel Daoud, ont besoin
de « convertir l’autre et de le faire abdiquer de son altérité ou de lui
faire avouer, par la contrition morale, que l’islam est la meilleure
des religions » Ce qui est, nous dit-il, un aveu de faiblesse face à la
différence qui est « un démenti (difficilement supportable) de sa
(propre) vision de l’absolu indivis. »
Avec
lucidité, Kamel Daoud souligne : « L’Islam est à revoir, à repenser et
redéfinir. L’enjeu est notre place et notre utilité au reste de
l’humanité sans se proclamer le centre du monde ni le ‘’peuple de la
vérité’’ » (Algérie-Focus,
23 septembre 2012). «Les musulmans croient que Dieu les protège, les
islamistes croient qu’ils protègent Dieu» affirme encore l’écrivain
algérien sur son compte facebook (Kamel Daoud).
L’écrivain
Boualem Sansal voit dans le réveil tardif des intellectuels arabes une
des raisons majeures de l’émergence inquiétante du fondamentalisme. Même
pour les plus modérés des musulmans « l’islam est au-dessus de tout. »
Ce qui revient à reconnaître qu’ « ils font eux aussi le lit de
l’islamisme » (Jeune Afrique,
18 décembre 2013). Les intellectuels trop longtemps restés silencieux
ont contribué à la propagation de l’islamisme qui est d’abord une soif
de pouvoir et un besoin de soumettre, écrit-il dans son livre ‘’Gouverner au nom d’Allah’’ (novembre 2013, Gallimard). « La radicalisation fait des femmes et des jeunes ses premières et principales victimes. »
L’érudit marocain, Khalid Hajji, a rendu hommage aux victimes de l’attentat du musée juif de Bruxelles (Arutz Sheva
26 juin 2014). « L’extrémisme et l’intolérance doivent être bannis et
combattus » a-t-il expliqué pendant une cérémonie de commémoration.
« Pas de démocratie, nous voulons juste l’islam ! » |
L’écrivain
égypto-allemand Hamed Abdel-Samad, fils d’un imam sunnite et virulent
islamo-septique, parle de « fascisme islamique » (titre de son dernier
livre paru en avril 2014). « La guerre de l’islam radical contre
l’Occident a déjà commencé et va s’accélérer » a-t-il assuré dans un
entretien (Dreuz.info, 13 janvier 2015).
« On ne peut nier le caractère violent et dominateur de l’islam, dit-il
encore. (…) Tous les musulmans ne sont pas islamistes mais trop peu le
condamnent. La solution ? Isoler les fanatiques au sein même de la
communauté des croyants. »
« L’islam de France doit faire une révolution interne »
Dans
une « lettre ouverte au monde musulman » (Marianne, 13 octobre 2014),
le philosophe Abdennour Bidar regrette de voir sa religion déformée
« par ceux qui l’instrumentalisent politiquement » mais aussi par « ceux
qui font semblant de ne rien voir et laissent faire les dérives. »
Pour
redonner humanité à cet « islam au visage défiguré » écrit-il, on ne
peut pas se contenter « de dénoncer la barbarie, s’indigner, accuser les
autres. » Parce que le terrorisme transforme l’islam en « monstre », il
est nécessaire d’ « affronter ses propres aberrations ».
Dans le dernier numéro de Philosophie magazine (N°86, février 2015)
il s’interroge avec Rémi Brague, professeur à la Sorbonne et amoureux
des textes, sur l’interprétation personnelle et relative que chacun
trouve dans le Coran dont la lecture, reconnait-il, peut être empreinte
d’une certaine ambiguïté.
« Tuer
le monstre », dit-il encore, c’est reconnaître les principes universels
que sont la liberté de conscience, la démocratie, la tolérance et le
droit à toutes les diversités. Un islam « libre et compatible avec
l’esprit des lumières » ne pourra pas faire l’économie d’une « réforme
sereine et profonde » (Aujourd’hui.Maroc, 25 octobre 2014).
Il
ne s’agit pas, conclut-il, de demander aux musulmans d’abandonner leur
vie spirituelle mais de choisir « une voie différente (…) celle d’un
islam discret, fait de vertu et de méditation. »
« Est-il trop tard ? » se demande Daoud Boughezala dans Causeur
(4 février 2015). Citant l’islamologue Rachid Benzine qui exhorte les
musulmans de France à balayer devant leur porte, il reconnait comme lui
que la République et la jeunesse de banlieue « se sont engluées dans un
dialogue d’aveugles. » L’islam violent existe bel et bien confirme-t-il,
« inutile de nier l’évidence » mais il existe aussi un « décrochage
très important» entre cette jeunesse et la société française.
La
modernité n’aurait pas tenu toutes ses promesses. Frustrations et
rancœurs seraient donc le mal qui se cache derrière les revendications
extrémistes et religieuses. La crise multiple que traverse la France
serait ainsi la vraie responsable de cette « haine » brandie pour
excuser l’obscurantisme.
« Faux ! »
répond Sami Aldeeb, professeur d’université en droit arabe et musulman.
Dans une lettre adressée sur son blog à Dalil Boubakeur, président du
Conseil français du culte musulman (CFCM), ce spécialiste du Coran
reconnait avec amertume mais lucidité que « ce qui est arrivé à Paris
est entièrement conforme à l’enseignement de l’islam » (9 janvier 2015).
Car le livre saint des musulmans contient des injonctions à commettre
des actes de violence. « Vous avez pleuré sur les musulmans au lieu de
pleurer sur les victimes » regrette Sami Adleeb qui persiste et signe en
des termes assez durs pour récuser tous ‘’les idiots et les
hypocrites’’ : « Ne savez-vous pas que les ouvrages de droit musulman
prescrivent de tuer ceux qui critiquent Mahomet ? »
Quand
les dix-sept jeunes futurs imams de l’institut de théologie de la
Grande Mosquée de Paris « vident leur sac » (Le Monde, 17 janvier 2014),
on s’interroge en effet sur le chemin à parcourir avant d’arriver à un
islam des lumières : « Les musulmans n’ont pas à s’excuser de ces crimes
[des attentats de janvier] car les terroristes, disent les
futurs imams, n’étaient pas des leurs. (…) La liberté d’expression, les
musulmans ne la pleurent pas, il y a à boire à manger là-dedans. (…)
Personne ici ne se sent Charlie. (…) Les caricatures, voilà le point de
départ. »
Hassen
Chalgoumi, l’imam de Drancy, admet que 20% environ des musulmans de
France voient dans le Coran un livre de guerre et d’intolérance, un
permis de tuer au nom de Dieu. Le reste, c’est à dire une écrasante
majorité, y voit au contraire un livre de paix et de tolérance, une
source d’inspiration spirituelle. « La relation personnelle avec Dieu
est le principe même de toute religion. (…) Il y a une
instrumentalisation du Coran », quand celle-ci est nourrie par une
minorité ignorante, hurlante et belliqueuse. (Atlantico, 11 janvier 2015).
« Les
musulmans de France doivent se réveiller et mener un travail interne. »
C’est ainsi, poursuit-il, que l’on pourra éviter les amalgames avec ces
malades fanatiques que sont les intégristes. « Les dérives de l’islam
radical sont une maladie mentale » (La Dépêche, 16 septembre 2014). « La vérité finit toujours par l’emporter » assure l’imam Chalgoumi.
De
quelle vérité parle-t-il ? Celle qui, depuis 2006, a fait de lui un
paria au sein même de sa communauté ? Ce courageux et optimiste partisan
« pour un islam modéré et républicain » (Le Figaro, 8 octobre 2010) est
l’une des personnalités les plus menacées du pays. Par l’Etat islamique
d’abord, qui a mis en ligne une vidéo et le vise nommément (Libération,
5 février 2015). Par des français coreligionnaires surtout, qui lui
reprochent de « ne représenter que lui-même » et condamnent son rôle
médiatique de porte-parole d’un islam libéral et tolérant, ouvert vers
le judaïsme.
L’antisémitisme,
une épine dans le pied des autorités musulmanes
L’antisémitisme
virulent est sans doute la partie émergée de l’iceberg islamiste … et
la profession de foi la plus assumée, et la plus révoltante, de l’islam
de France.
Soufiane Zitouni, un ancien prof de philo au lycée Averroés de Lille, a dénoncé dans Libération
(6 février 2015) le « double-jeu » de cet établissement musulman sous
contrat avec l’Etat, qui serait selon lui présentable et
républicain d’un côté, pernicieux et islamiste de l’autre.
« L’antisémitisme y est récurrent et obsessionnel » avoue-t-il avant de
reconnaître que le seul mot de ‘’juif’’ est devenu, pour les élèves
comme pour les enseignants, « un signifiant qui pose problème », symbole
à lui seul de tous les ennemis de l’islam.
Les
postures, souvent victimaires (« L’islam est agressé de toutes parts»),
rejettent toute remise en question et débat interne, mais la haine des
juifs est souvent perçue comme un ferment d’unité et de réconciliation.
Quand,
au dernier congrès de l’UOIF (Union des organisations islamiques de
France) en avril 2014, Hani Ramadan, prédicateur islamiste et frère de
Tariq Ramadan, dit que « tout le malheur vient des juifs qui n’ont
qu’une idée en tête, concrétiser le rêve du grand Israël », il est
frénétiquement applaudi par l’assistance. « La barbarie sioniste » est
la cause de tous les catastrophes dans le monde, poursuit-il (Figarovox, 23 avril 2014). Contre les « manigances internationales du pouvoir sioniste » le seul rempart est l’islam et ses défenseurs, a-t-on entendu.
Sur de nombreux autres sujets, la position des autorités musulmanes est tout aussi décevante et bivalente.
Le CFCM,
créé en 2003, est vivement critiqué pour ses querelles intestines, son
immobilisme, son absence de réelle représentativité. Bernard Godard,
attaché au ministère de l’Intérieur, et auteur de ‘’La question musulmane en France’’ (Fayard, 2015) le qualifie même de « naufragé » ou encore « d’impossible » (l’Express, 6 février 2015). L’UOIF se distingue par une tactique déconcertante qui alterne avec minutie discours rassurants et manœuvres condamnables.
Amar
Lasfar, recteur de la mosquée de Lille-Sud et président de l’UOIF,
réfute toute accusation d’extrémisme qui met, selon lui, « de l’huile
sur le feu. » Il n’appartient à personne, soutient-il en substance, de
définir la frontière politiquement correcte du radicalisme (La Voix du Nord,
4 juin 2014). L’extrémisme est un faux débat dit le recteur Lasfar :
« Toutes les religions ont en leur sein des extrémistes. »
Cependant,
à ce jour, l’UOIF n’a toujours pas condamné le jihad en Syrie indique
Michèle Tribalat, démographe et spécialiste de l’immigration. Au
contraire, une certaine forme de sacrifice individuel est mise en
avant : «Ce n’est pas mal de se rendre en Syrie pour accomplir l’aide
humanitaire et au niveau de sa personne » a-t-on dit au 31ème Congrès de l’UOIF au Bourget (avril 2014).
«
Les représentants réels ou supposés de l’islam de France, nous dit
Haoues Seniguer (chercheur au Groupe de recherches et d’études sur la
Méditerranée et le Moyen-Orient – Gremmo – et enseignant à l’IEP de
Lyon), sont extrêmement gênés par rapport à [cette] question [du jihad]
et, plus globalement, sur le dossier syrien. (…) Quant à la Grande
Mosquée de Paris et le Conseil français du culte musulman, je n’ai pas
lu ou entendu de déclaration forte dans le sens d’une condamnation »
« C’est
un risque, car ce silence peut apparaître complice » insiste le
chercheur compte tenu de « la proximité idéologique entre les Frères
musulmans et les membres de l’UOIF. » Une proximité qui ressemble à une
inacceptable complaisance.
Des
collaborateurs de l’UOIF comme Youssef al-Qaradawi et Issam al-Bachir,
ont signé un appel de cent sept personnalités arabes le 7 février 2012.
Cette déclaration se dit favorable à une implication militaire de la
part des musulmans du monde aux côtés des rebelles jihadistes (Figaro Vox 22 avril 2014).
Au
cours d’un autre congrès au Bourget de l’UOIF, en février 2013,
l’invité d’honneur saoudien, Mohamed Al-Arifi, antisémite notoire
régulièrement bienvenu dans de nombreuses mosquées de France, a qualifié
Ben Laden, chef historique d’Al-Qaïda, de ‘’cheikh’’ c’est-à-dire de
docteur de la loi islamique. Dérapage que la presse arabe, comme Al
Bawaba et Al Arabiya, a largement commenté.
Une « poussée radicale menace les mosquées françaises »
Il
y aurait, d’après les statistiques du ministère de l’Intérieur, environ
2400 lieux de prière de confession musulmane sur le territoire
national, dont 2052 en France métropolitaine. ‘’Probablement bien plus’’
disent d’autres sources non officielles. Un chiffre, en tout cas, qui a
doublé depuis 15 ans.
On
constate que ces lieux sont de moins en moins des salles discrètes mais
des mosquées plus visibles dans le paysage urbain. (« Quel est le poids
de l’islam en France », Le Monde, 21 janvier 2015).
60%
de ces lieux de prière ne dépasseraient pas 100 mètres carrés, mais les
projets de construction en cours (350 environ) développent les mosquées
dites ‘’cathédrales’’, dotées pour certaines de minarets (moins de 1%
pour l’instant). La question du financement étranger de ces grandes
mosquées (au moins 50% en moyenne du financement total) est une
préoccupation légitime
Celle
de Strasbourg, par exemple, est financée pour moitié par le Maroc, le
Koweït et l’Arabie Saoudite. « A Roissy-en-Brie, c’est le sultanat
d’Oman qui a apporté 1,8 million d’euros, soit les deux tiers du budget !
À Marseille, le Qatar devrait apporter 25 % du financement » (Valeurs
actuelles, 15 mai 2014).
Inaugurée en 2012, la mosquée de Saint-Etienne (1400 m2) serait la vitrine d’un ’’islam de France exemplaire’’ (Francetv info
6 février 2015). Le recteur de cette mosquée, Larbi Marchiche, a
effectivement un discours très consensuel. Aspirant à plus de
visibilité et d’encadrement, il explique : « Regardez ceux qui posent
problème aujourd’hui, à chaque fois ce sont des musulmans ! Mohamed
Merah, les frères Kouachi… Qu’on le veuille ou non, ils sont de chez
nous ! » C’est pourquoi, dit-il, nous devons nous adresser aux enfants
qui voient dans l’imam une « image d’autorité (… nous devons) leur
parler gentiment et essayer de les éloigner des extrêmes : la drogue, la
délinquance, la violence. »
En
réalité, cette mosquée ‘’cinq étoiles’’ est entièrement la propriété du
roi du Maroc qui, via son ministère des Affaires islamiques qui octroie
une subvention annuelle de 600 000 euros, a une main mise quasi
exclusive sur l’établissement et ses ouailles. Dans quelle mesure l’État républicain contrôle-t-il vraiment ce qui s’y passe ?
Une « poussée radicale menace les mosquées françaises » apprend-t-on dans le Figaro
(20 février 2015). Loin d’être exemplaires, certains lieux de culte
seraient « adeptes d’un islam rigoriste. » Nullement disposés à pactiser
avec la République, ils chercheraient même à déstabiliser les centres
de prière plus modérés.
« Il
faut combattre le discours des Frères musulmans qui se répand dans les
banlieues », a répété Manuel Valls. « Une religion ne peut pas imposer
son discours dans nos cités » (Europe1, 9 février 2015). C’est pourtant
ce qui se passe quotidiennement. Et le phénomène prend visiblement de
l’ampleur.
« Selon
un dernier bilan du ministère de l’Intérieur, 89 lieux de culte sont
déjà sous influence salafiste (contre 44 en 2010) et 41 font l’objet
d’entrisme. Dans ces véritables « viviers de combattants », on y
enseigne l’embrigadement, la rupture avec le reste de la société
‘’impie’’, une définition stricte du ‘’licite et non-licite’’.
Il y aurait 25 mosquées salafistes en région parisienne, 22 dans la région lyonnaise et 13 à Marseille (RTL, 17 février 2015). « Le phénomène s’étend aux villes moyennes comme Vitrolles, Alès ou Brest. »
A
Alès (Gard), il s’agit d’un local associatif situé dans la zone
commerciale du Moulinet. Ce petit lieu de prière clandestin et ultra
rigoriste né il y a tout juste un an, est présent sur les réseaux
sociaux et dispose même d’une radio. Ce qui, probablement, lui permet
d’essaimer les thèses fondamentalistes quoique « il n’y aurait pas
d’incitation directe au jihad » (RTL, ibid).
L’histoire
des deux derniers siècles a montré que l’héritage judéo-chrétien s’est
fondu et même identifié à nos institutions et à nos lois. Si l’on
prétend appartenir à la nation française, la moindre des choses est d’en
respecter les valeurs dont, bien sûr, la laïcité. Or, dans son dernier livre, ‘’L’islamisme raconté à ma fille’’ (mai
2014), le journaliste algérien Hamid Zanaz pense, avec raison, que les
musulmans ont « un problème avec la laïcité. » Un rejet, affirme-t-il,
qui ne serait pas le seul fait d’une minorité intégriste.
Rappelons-le
en toute quiétude. Quelle que soit la réforme interne, dogmatique et
hiérarchique, que devront accomplir tôt ou tard les musulmans, l’Etat a
les cartes en mains, à lui de relever le défi. Une relation harmonieuse
entre la République et l’islam dépend d’engagements mais aussi de
garanties nécessaires, et réciproques.
« C’est reparti !»
s’esclaffe la prochaine une de Charlie Hebdo (n°1179) après cinq
semaines de pause. C’est que l’humour mordant ne tient pas à lâcher
prise. Dieu merci !
Article publié dans Tribune juive